Une interview exclusive de Fifi le jardinier pour la revue « Le nouveau jardin ».
« Fifi, après 8 ans d’essais de toutes sortes d’amendements dans vos planches de potager, vous êtes arrivé à la conclusion qu’un dépôt de broyât en surface était la solution la plus adaptée à votre sol. »
Pourquoi le broyât et comment en êtes vous arrivé à cette conclusion ?
C’est simple ! C’est la recette qui a le mieux amélioré la structure de mon sol dans la durée. Par amélioration de structure, j’entends décompactage du sol, sa capacité d’émiettement, sa capacité de rétention d’eau et de nutriments. Et je sais d’où je viens avec un sol argilo-calcaire typique du midi. En été, vous ne pouvez pas enfoncer une bêche et en temps de pluie vous y laisser les chaussures ! Attention, ce n’est pas que le broyât apporte une fertilité extraordinaire par rapport aux autres amendements, on parle bien de structure du sol. Ceci dit, au bout de quelques années de remise en vie du sol, la fertilité arrive aussi.
Je suis rentré dans l’agro-écologie par le BRF ou Broyât Raméal Fragmenté. C’est une vidéo d’une quinzaine de minutes de TED qui m’a interpellé sur la capacité du broyât de bois de redonner vie à un sol mort et à faire pousser des légumes sur un sol dégradé. Il m’a fallut quand même ces 8 dernières années pour constater les progrès remarquables de certaines parties de mon potager traitées au broyât. Les premières années peuvent être décevantes et je reconnais avoir pu être déçu au point d’arrêter les apports de broyât pour essayer d’autres amendements. Aujourd’hui, je considère que c’était une erreur même si cela m’a permis d’apprendre les qualités et défauts d’autres apports.
Quelles autres amendements avez-vous expérimentés ?
Beaucoup de choses sauf évidemment la chimie. Le compost, le fumier, le paillage à l’herbe, aux feuilles, à la paille, au foin, les engrais verts et j’en passe.
Chacun apportait un élément intéressant au sol mais semblait insuffisant utilisé tout seul. Le compost par exemple améliorait rapidement la structure du sol sec l’été pour semer les haricots ou le paillage maintenait une humidité propice aux courgettes mais la frustration venait que je retrouvais mon sol dans le même état ou presque l’année suivante.
Cela veut-il dire qu’il faut combiner plusieurs techniques d’amendements pour obtenir un résultat satisfaisant ?
Oui, on peut dire ça. En fait l’apport de broyât est le traitement de fond à long terme pour améliorer la structure du sol mais un complément court terme est nécessaire pour apporter d’autres qualités comme avoir une terre plus fine pour un semis ou protéger les cultures de la sécheresse. Dans tous les cas, au bout d’un moment le sol aura digéré tout ce qu’on lui a donné et en cela, tout ce qu’on lui apporte peut être qualifié d’amendement.
Comment trouvez-vous le broyât pour votre potager ?
J’ai la chance d’avoir un terrain de 4000m2 plutôt arboré et je considère que chaque taille, chaque tonte, chaque feuille est une mine d’or pour le potager. Tout est utilisé sur place, rien ne va en déchèterie. Je me suis même fixé comme objectif de ne pas importer de matière végétale car je pense pouvoir en produire suffisamment sur place. Je me suis équipé il y a quelques années d’un broyeur thermique de moyen de gamme et cet outil reste indispensable. Il est fait pour broyer fin, ce qui est un avantage car le bois se décompose plus vite. L’année dernière, j’ai produit environ une tonne de broyât et je voudrais faire mieux et plus facilement.
Une tonne, c’est déjà impressionnant ! Comment pensez-vous faire mieux sans planter toute une forêt ?
C’est pour cela que je favorise la taille en trogne des arbres quand c’est possible car ça permet un renouvellement rapide de la ressource. Et c’est incroyable quand on y pense la quantité de variétés d’arbres acceptant ce type de taille. J’ai par exemple chez moi des oliviers de bohème, un platane, un mûrier platane, des peupliers, des noisetiers, des tamaris et d’autres encore. Cette année, j’ai même étêté un jeune chêne qui partait trop de travers car j’ai appris que le chêne était souvent taillé en trogne dans le passé.
Utilisez-vous toutes les essences de bois ? On dit par exemple qu’il faut éviter le pin…
Il y a à mon sens une peur injustifiée autour de l’utilisation du pin en broyât. Ici, il ne me pose pas de problème, surtout avec un sol très basique. Je lui laisse le temps de se décomposer dans le sol avant toute plantation. Par contre je ne mets pas de coupe de lauriers roses car cette plante a la réputation d’être un poison. À part cette restriction, j’utilise toutes les essences de mon jardin. Bien sur, certaines se décomposent plus vite que d’autres comme le peuplier mais globalement je n’ai pas vu une grosse différence dans l’action sur le sol.
Quand et comment utilisez vous ce broyât ?
La récolte du bois commence en automne avec la chute des feuilles. Je le broie et le dépose en surface de mon sol dans la foulée. Mon potager fait environ 100 m2 et je dépose en surface à peu près 7kg par m2 de potager. Quand le potager est servi, je dépose 10kg au pied de chacun de mes 30 fruitiers. Vous voyez, la limite est fixée par la quantité de broyât dont je dispose. Les pluies de fin d’année en Provence vont accélérer le processus de décomposition du bois. C’est indispensable sinon je risque de me retrouver au printemps avec un paillage sec en surface, ce qui n’est pas l’effet recherché. Je veux de l’humidité, des champignons, une vie grouillante. Comme le broyât fait par mon broyeur est très fin, en janvier, le processus a bien avancé et j’incorpore le broyât aux premiers cm du sol.
Depuis cette année, j’expérimente sur une partie de mon potager une variante qui donne au broyât une année de plus pour se décomposer. Je décaisse sur 5cm de profondeur les passes pieds sur lesquels j’ai déposé le broyât l’année précédente, je dépose cette couche bien décomposée sur les planches voisines et je la remplace par du broyât frais.
Cette variante semble donner d’excellents résultats sur la fève d’automne. Je l’ai semée dans une terre amendée au broyât une année auparavant et elle est en ce mois de janvier 2020 magnifique !
Pour conclure, quelles sont vos perspectives pour l’avenir ?
Maintenant que je suis rassuré sur l’évolution de mon sol grâce au broyât, je voudrais pérenniser et même augmenter la quantité de broyât que je suis capable de produire en n’utilisant bien sur que le bois disponible sur le terrain. Je voudrais simplifier le broyage en favorisant la pousse de longues branches rectilignes faciles à introduire dans le broyeur. L’essence parfaite pour ça est le peuplier. Je mise beaucoup sur les repousses des arbres taillés en trogne.